Voici une évocation sur la vie des ouvrières à domicile, adapté d’un récit d’Emile DORCHIES « L’industrie domicile de la confection des vêtements, 1907 ».
En 1903, on dénombre plusieurs milliers d’ouvrières à domicile sur Lille-Roubaix-Tourcoing.
Celles – ci confectionnent des costumes tout fait livrés aux grands magasins de confection, car seul le tailleur n’habille plus que la classe riche et élégante à cette époque.
Leur nombre a considérablement augmenté depuis 1880.
Leur salaire est fixé unilatéralement par les patrons, sans intervention syndicale.
La journée de travail est très longue (5 / 20 h en été, 6 / 21 h en hivers). Elle est entrecoupée de plusieurs coupures (habiller les enfants, servir leur déjeuner, ranger la maison, …) représentant 2h. Soit environ 13 h de travail effectif. En cas de forte demande, les journées peuvent s’allonger, les hommes peuvent aussi aider.
Pour gagner plus que sa femme (c’était la règle) et par amour propre, l’homme travaillait 16h par jour, quitte à le faire à la lumière.
Dans une famille, il arrivait souvent que tout ceux qui n’avaient pas à entretenir la maison, travaillent aussi 13 à 16h par jour.
De part la configuration particulière du travail à domicile (isolement des ouvrier(es), ignorance les unes des autres, dispersion dans les quartiers favorisant la méconnaissance des intérêts communs) les syndicats se sont trouvés impuissant et n’ont pas permis d’obtenir des compensations. D’autant plus que la femme est essentiellement et étroitement individualiste, son groupement c’est sa famille. Et à quoi bon payer une cotisation (qui ampute le faible salaire) qui ne rapportera quelque chose que plusieurs mois plus tard et encore.
Analysons 3 types de foyer :
Veuve avec 2 enfants | Femme seule | Couple marié avec 3 enfants | |
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En francs | Confection de vestons de drap | Confection de vestons de drap | Usine métallurgique et Confection de vestons de drap |
salaire | 369 | 348 | +1350 et + 370 soit + 1720 |
Loyer | -72 | -60 | -120 |
Pain | -182 | -98 | -237 |
Viande | -50 | -30 | -150 |
Légumes | -10 | -5 | -22 |
Pommes de terre | -40 | -25 | -72 |
Sucre, café, chicorée | -60 | -35 | -99 |
Lait | -25 | -18.25 | -75 |
Charbon | -70 | -60 | -115 |
pétrole | -35 | -35 | -35 |
Vêtements | Dont des oeuvres | -20 | -120 |
bière | -80 | ||
Epices | -10 | ||
Savon | -15 | ||
Abonnement chemin de fer | -109.2 | ||
Diner et gouter du mari dans un estaminet prés de lusine du mari | -210 | ||
Solde | -175 | -38.25 | +155.80 |
Allocation de pain par le bureau de bienfaisance | 40 | +38.25 | |
Porte à porte par les enfants | 35 | ||
Observations | Son budget s'équilibre grâce à la générosité des uns et des autres | Son salaire est le salaire moyenElle survit tant bien que mal, dans une petite maison en mauvais état | Si le mari travaillait seul, le couple serait en déficit. Si on considère que le mari prend 2 francs le dimanche pour ses loisirs, 2 à 30 francs pour les jours de fête, le solde est vite égal à 0. |
En conclusion, une ouvrière à domicile ne gagne pas suffisamment pour vivre à cette époque.
Si elle a des enfants et pas de mari, elle est obligée d’avoir recours aux bureaux de bienfaisance et aux personnes charitables.