Bonjour
Souvenirs, souvenirs.
Hervé
Bonjour,
Je retranscrit intégralement un article issu d’histoiresdunord.blogspot.fr
Cela me donne l’idée de faire une enquête sur les épidémies qui sévirent à Tourcoing.
A bientôt
Hervé
“Aujourd’hui encore, le choléra n’est pas une maladie totalement disparue. La presse fait largement écho des risques encourus par les populations en cas de catastrophes naturelles, comme lors des inondations au Mozambique en 2000, ou au cours de grèves du ramassage des ordures ménagères ainsi que la menace fut évoquée pour Marseille en 1999.
Si cette maladie persiste sporadiquement çà et là dans le monde, le département du Nord, comme le reste de la France, lui a souvent payé un lourd tribut, notamment lors de l’épidémie de 1866.
Une maladie terriblement contagieuse.
Identifié seulement en 1884, le bacille du choléra est à l’origine de symptômes qui ont laissé le corps médical de nombreuses années sans réponse, d’autant plus que les épidémies étaient légion dans la région.
Le Nord a, en effet, été une terre de prédilection pour la diphtérie, le croup, la variole ou la fièvre typhoïde (la liste n’est malheureusement pas exhaustive)… Ces maladies ayant toutes en commun une contagion rapide et un taux de mortalité assez élevé.
La propagation du choléra est des plus ordinaire puisqu’il se transmet par voie digestive, qu’il s’agisse de l’eau, des aliments souillés par les déjections des malades ou par simple contact. Or, les manifestations de l’infection sont propices à cette transmission, qu’il s’agisse des vomissements ou des diarrhées aqueuses, abondantes et indolores, qui entraînent une déshydratation rapide du malade. Le choléra est une maladie quarantenaire – par définition dangereuse – pour laquelle les médecins n’ont pas nécessairement les moyens de répondre en 1866.
Une nouvelle maladie à la fin du XIXème siècle
Longtemps confiné à l’Asie, à l’Inde et à l’Afrique du Nord, le choléra se signale en France pour la première fois en 1832 et étonne déjà par sa virulence.
En 1866, le département est rapidement en première ligne, d’autant plus qu’une épidémie précédente, d’envergure nationale, avait déjà pris naissance dans le port de Dunkerque en novembre 1848.
L’épidémie de 1866 nous est précisément connue par l’Annuaire Statistique du Département, publié en 1867. L’épisode est assez court mais ses ravages sont importants: le premier cas est signalé le 6 février 1866 dans l’arrondissement de Dunkerque, le dernier est consigné le 22 novembre de la même année dans la région de Cambrai.
La maladie touche 150 communes sur les 660 que compte alors le département, surtout dans les communes ouvrières: Lille, Roubaix, Valenciennes, Dunkerque, Armentières, Halluin… mais «curieusement» épargne l’arrondissement d’Avesnes-sur-Helpe. Pour les rédacteurs de l’Annuaire, il semble que la catégorie socioprofessionnelle des malades concernés soit – à juste titre – une cause majeure dans la propagation de la maladie.
L’hygiène et la condition sociale pourraient donc être en cause. Si l’Annuaire statistique du département du Nord offre une description précise des symptômes, ses commentateurs se perdent en conjectures sur les causes:
– «principe vénéneux dans l’air» ?
– altération des eaux alimentaires ?
– mauvaise hygiène des malades ?
La question est d’autant plus cruciale que la répartition des malades en 1866 touche autant les hommes que les femmes et les enfants, et concerne des populations déjà fragilisées par d’autres maux. La mortalité est élevée (fig. 1), non seulement à cause de la maladie, mais aussi par ce qu’elle se présente chez des patients souvent fragilisés. Cette affection ne peut être considérée que comme éminemment préoccupante, le corps médical ne pouvant que supposer son origine et son mode de transmission puis constater le peu de moyens curatifs à disposition.
Une épidémie fulgurante
La chronologie de l’épidémie est somme toute très courte (fig. 2).
La quasi simultanéité des cas ne peut qu’interpeller le corps médical sur une contagion fulgurante donc difficile à juguler, impression renforcée alors par la répartition géographique des patients (fig. 3).
2,9 % de la population totale du département est réellement touchée, 1,4 % décède.
Ceci peut sembler assez peu, mais le plus inquiétant est la mortalité liée à la maladie: 49,9% des malades, tous âges et sexes confondus.
Statistiquement, on peut penser que les populations sont peu concernées alors que ce qui est en cause n’est pas tant la population que sa concentration dans certains quartiers et dans certaines catégories sociales.
Les taux de mortalité par arrondissement évoquent bien la difficulté de remédier à une maladie encore mystérieuse (fig. 4). il ne s’offre donc aux autorités que des moyens préventifs. Restait à déterminer à qui les adresser.
Le choléra de 1866 est-il une «maladie de classe» ?
Indépendamment de l’agent infectieux, les médecins nordistes dénoncent des facteurs susceptibles de favoriser la maladie.
Pierre Pierrard, dans sa thèse qui fait autorité sur la vie ouvrière à Lille sous le Second Empire (P. PIERRARD, La vie ouvrière à Lille sous le second Empire, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, 1991, (1ere édition, 1965), 532 pages) ,cite abondamment les observations de ces derniers.
Unanimement, ils mettent l’accent sur le taudis, foyer de maladies dont le choléra n’est qu’une parmi d’autres toutes aussi graves. Toutefois, si pour certaines d’entre elles, on possède alors des remèdes, à l’efficacité amoindrie par une large fraction réfractaire des populations concernées (Les témoins s’accordent à dénoncer la résistance à la vaccination variolique, notamment chez les ouvriers flamands belges de Lille.), le choléra résiste fortement aux traitements à disposition.
La presse s’en fait largement écho. Le Progrès du Norddu 8 décembre 1866 n’hésitait pas à qualifier le choléra de «maladie épidémique du pauvre». Ce n’est là qu’un constat dressé après les épidémies de 1832, 1849, 1854, 1859… durant lesquelles les populations ouvrières, notamment du textile à Lille, furent les plus durement atteintes. Pierrard avance que l’épidémie de 1866, à Lille seulement, fit 2.200 victimes dont 1.300 ouvriers (soit malgré tout 59%!).
L’Annuaire Statistique de 1867 rend compte de ce clivage social: «En examinant aussi les conditions sociales des personnes atteintes par l’épidémie, on constate que c’est la classe ouvrière qui a été presqu’exclusivement frappée pour ainsi dire partout. La raison de ce fait paraît facile à déduire; n’est-ce pas en effet la classe ouvrière qui par ses labeurs, sa nourriture peu substantielle, l’exiguïté de ses logements et, il faut le dire, ses habitudes d’intempérance, se trouve dans la situation hygiénique la plus défavorable? A Valenciennes, cependant, toutes les classes de la société ont dû payer leur tribut au fléau.»(in Annuaire Statistique, page 380)
L’organisation urbaine comme la structure de l’habitat sont en cause et ne cessent d’être dénoncées. La plupart des quartiers ouvriers du département offrent un triste spectacle. Les études sociales de Frédéric Le Play dénonçaient en 1858 la ceinture de fossés cernant les glacis et les fossés et canaux où l’eau stagnait ‘«N°24, La Lingère de Lille, d’après les renseignements recueillis sur les lieux en juillet 1858, par M. L. AUVRAY, traducteur de la marine», in Ouvriers des deux mondes, A l’enseigne de l’arbre verdoyant éditeur, collection: Est-ce ainsi que les hommes vivent?, 1983, 336 pages, pages 195 – 216,). Plus encore, les médecins constataient que les maladies, choléra entre autres, trouvaient un terreau favorable, à Lille comme ailleurs.
A Lille, on déplore alors un habitat humide, froid, misérable, des rues étroites et malpropres, un manque d’hygiène extrême. Les canaux de la ville comme les rues recueillent les déjections. Certains déplorent l’habitude qu’ont les hommes d’uriner dans les fossés à la sortie des estaminets, les femmes celle de se soulager dans les ruisseaux, d’incriminer les déjections qui stagnent entre les interstices du pavage (quoique ce problème, convenons-en, soit encore d’actualité au vu du nombre assez bas de toilettes publiques accessibles dans nos villes modernes…). Les autres villes industrielles ne se distinguent pas non plus par de meilleures conditions de vie dans les quartiers populaires .
La promiscuité est aussi en cause. La plupart des ouvriers s’entassent littéralement dans une ou deux pièces, rarement plus. Les cités, construites par le patronat ne représentent pas toujours un progrès. La courée – typique du paysage industriel du Nord – n’offre pas toujours, semble-t-il, de solutions satisfaisantes sur le plan sanitaire. L’absence de points d’eau en nombre suffisant comme de latrines privées ne plaident pas en faveur d’une réduction des risques… Que penser alors des nombreuses fosses à vidanger, devenant autant de lieux à risque.
Les solutions sont longues à s’imposer, notamment pour l’assainissement de la voirie. Les fossés défensifs ont accompagné les remparts jusqu’à leur démantèlement durant l’entre-deux-guerres, les grandes villes se sont équipées d’un réseau d’adduction d’eau – forcément onéreux – sur la fin du siècle (1871 à Lille avec le captage des eaux d’Emmerin, 1894 à Dunkerque).
Peut-on déjà évoquer une médecine sociale?
Le corps médical du Nord peut sembler impuissant face à cette épidémie, notamment par les difficultés rencontrées pour apporter les soins à des malades souvent réticents. Les exemples abondent pour illustrer les louvoiements de certaines populations, notamment des ouvriers flamands belges, pour se soumettre à des actes préventifs tels la vaccination. Les cas illustrant la vaccination variolique notamment sont parfois assez cocasses.
Le dévouement de certains d’ailleurs est appréciable, parfois même on peut parler d’altruisme total. Il est mis en avant par les rédacteurs du rapport:
«Le corps médical (…) a montré un dévouement des plus louables. Tous ses membres se sont multipliés pour faire face aux exigences des circonstances et les élèves de l’école de médecine de Lille ont vaillamment secondé les praticiens en se rendant spontanément, sur les indications de leur digne Directeur, dans toutes les localités du département où leur présence pouvait être utile. Dans les hôpitaux, les saintes femmes qui consacrent leur vie aux soins des malheureux, ont rempli leurs devoirs avec une abnégation sans bornes et plusieurs d’entre elles ont succombé aux fatigues et aux missions de leur héroïque mission.» (in Annuaire Statistique, page 381). Citons, entre autres, parmi le corps médical, les docteurs Cazenave, Castelein et Morisson, distingués par les pouvoirs publics à juste titre…
Néanmoins, ne pouvant avancer que des suspicions sur les causes de la maladie mais faisant état des facteurs aggravants, le corps médical a ici dénoncé les conditions sanitaires subies par une part appréciable de la population, pour de nombreuses maladies graves, jouant un rôle de prévention et promotion attaché à sa mission, ce qui est d’autant plus important qu’il ne peut qu’émettre des recommandations.
La difficulté réside néanmoins dans les freins économiques comme dans les mentalités . Force est de constater que les progrès sanitaires et hygiéniques ont connu une évolution très lente, et que de nombreuses habitations n’ont obtenu le «confort» moderne que très récemment. La prévention médicale comme dans un passé somme toute encore récent est nécessairement indissociable de l’exercice de la profession. D’ailleurs, le retour de certaines pathologies telles la tuberculose ou l’apparition de nouvelles maladies dont le traitement reste à inventer permet de penser que le médecin est autant observateur et conseiller que prescripteur. ”
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